1 an avec Lyme…

Il y a un an, je profitais d’une belle et chaude journée de printemps pour me promener dans un de mes bois préféré, sachant qu’il serait bien trop tôt pour y cueillir quoi que ce soit mais juste histoire de m’oxygéner, profiter du soleil et des 20°, faire quelques photos… J’étais loin de penser que l’ennemi guettait, à l’affut parmi les branchages et l’épais tapis de feuilles mortes craquant sous mes pas, et qu’elle allait – malgré le répulsif et les vêtements couvrants – me sauter dessus et décider de planter son rostre, bien planquée entre deux côtes, bien au chaud, puis se repaître de mon sang jusqu’à en exploser, 68 heures plus tard.

Ce secteur du canton de Saint Vaury est connu pour être un repaire de tiques, c’est pas nouveau. Nombreux chevreuils, déboisement, broussailles, réchauffement climatique… ça n’allait pas aller en s’arrangeant. Mais toute la Creuse et tout le Limousin sont hélas concernés, passant en tête des zones endémiques juste après l’Alsace pour les cas de maladies vectorielles à tiques (enfin surtout la maladie de Lyme, officiellement, parce que pour trouver les éventuelles co-infections il faudrait déjà les rechercher… et avoir des tests fiables). Combien de morsures ai-je pu avoir ces 15 dernières années, sur toutes les balades dans les bois essentiellement à la saison des champis mais aussi aux beaux jours? Difficile de faire une estimation, des dizaines? Malgré les répulsifs utilisés surtout depuis que Michel fût victime de Lyme en 2009, malgré l’inspection minutieuse au retour des bois. Parfois ces garces sont si petites qu’on ne les remarque que bien trop tard! Hormis une morsure suspecte m’ayant mise KO en 2012 (co-infections et virus divers?), j’étais peut-être porteuse saine… jusqu’à l’an dernier, où cette fois-ci quel que soit le cocktail infectieux contenu dans la bestiole, celle-ci m’a officiellement refourgué la borréliose de Lyme.

Mes précédents articles sur le sujet résument assez bien ce que j’ai traversé depuis ce fameux jour de printemps 2015 (voir https://www.facebook.com/notes/elus… et https://www.facebook.com/notes/elus… ), le panel varié des symptômes que j’ai pu expérimenter s’est allongé au fil des mois: certains ont disparus, d’autres sont apparus et/ou se manifestent par phases, mais rien de vraiment dramatique… Sauf que l’infection se propage à bas bruit, ciblant essentiellement les nerfs (système nerveux central et autonome) et la peau, si j’en crois l’évolution de mes symptômes.
Que les choses soient claires: faire partie des rares personnes ayant fait un érythème migrant et ayant été prise en charge très tôt, bien au-delà du protocole actuel, et faire partie des encore plus rares personnes accumulant les sérologies positives (3 Elisa et 3 Western Blot) aux résultats ne prêtant même pas à la confusion d’une éventuelle réaction croisée, n’exonère pas de se retrouver quelques mois plus tard en errance médicale et sans soins, comme tous les lymés chroniques du pays! Et c’était prévisible. Passé le traitement initial nous sommes supposés “guéris” et tout symptôme récalcitrant, nouveau ou même invalidant, sera considéré comme une “séquelle”, un “syndrome post-Lyme”… ou la manifestation de n’importe quoi d’autre (lupus, sarcoïdose, maladie auto-immune, SEP, SLA, Parkinson, Alzheimer, éventuel cancer, fibromyalgie ou SFC… la liste est longue): tout sauf Lyme parce que c’est le mot qui fâche! Même quand on est diagnostiquée. Et il faut s’habituer aux regards obliques, condescendants, voire amusés (!), ironiques; aux compte-rendus médicaux qui mentionnent un éventuel “faux positif” aux tests, un contexte anxieux ou dépressif… quand on ne se voit pas étiqueté “neurotonique +++” parce qu’on ose se mettre en colère et les contredire, preuves à l’appui!

Alors depuis ces derniers mois, livrée à moi-même, je tente avec les moyens du bord de limiter la casse. Je bidouille mes propres protocoles phyto, tout en refusant de croire que le peu de produits naturels que je prends ne suffiront jamais. L’espoir fait vivre. Fuck les yaka-fokon et les oiseaux de mauvaises augures pétés d’oseille! Il est trop facile de donner des leçons! Mais je ne laisse rien au hasard: je sais ce que je prends et pourquoi, à quel moment le prendre, l’action éventuelle sur les bactéries ou les parasites, l’action sur le système immunitaire, les mécanismes de détoxification de l’organisme, le microbiote. J’ai même arrêté de fumer il y a bientôt 7 mois parce que les bestioles détestent l’apport d’oxygène dans nos cellules! Je renonce à certains compléments parce que c’est hors de prix, à regret. Je constate parfois à grand renfort de herx neurologique que, visiblement, ça fonctionne. Mais je refuse de me faire peur en regardant trop loin au fond de ce tunnel obscur: celui qui parle de rechute, de douleurs, de dépendance, d’absence de solution… Je ne me voile pas la face, je sais qu’un jour – tant que je le peux encore – il me faudra bien aller voir – à des centaines de kilomètres peut-être – quelqu’un de compétant sur la question de Lyme & co. Avant que tout ces rares médecins soient déconventionnés et que ce ne soit vraiment plus réservé qu’à une élite friquée… Avant que mon système immunitaire ne s’effondre et que je me mette à décliner, irrémédiablement.

J’ai peine à croire qu’il vient de s’écouler une année! Ces derniers mois, mon sommeil s’est retrouvé impacté, mon système nerveux et mon psychisme, mon cœur, ma peau, et les hormones. Mais tout n’est peut-être pas lié à Lyme. Alors je continue ma tournée des spécialistes, et en plein désert médical ce n’est pas chose aisée!

  • En un an de maladie, on m’a cherché une quantité de maladies supplémentaires et évité soigneusement de rechercher correctement mes co-infections. En plus de Lyme j’ai développé des allergies cutanées, un dermographisme, un pseudo-lichen plan, un polype utérin. J’ai arrêté de fumer. Perdu 5 kg pour en reprendre 13…
  • En un an de maladie, j’ai eu près de 3 mois d’antibiotiques (discontinus), passé une radio des poumons, une échographie abdomino-pelvienne et une échographie utérine. Sont prévus une écho thyroïdienne et cardiaque.
  • J’ai aussi eu la pose d’un Holter rythmique sur 24 h et passé de nombreux ECG chez mon médecin traitant. J’ai tenté sans succès un bêta-bloquant, mais je préfère de loin ma tachycardie à un cœur qui ne suit plus rien et bradycarde pendant la nuit au point que j’ai eu l’impression de crever tout le temps que j’ai pris ce médoc de merde!
  • J’ai subi 6 prises de sang, et pas des trucs de routine à 5 ou 6 malheureux tubes.
  • J’ai vu 17 fois mon médecin traitant – tous motifs confondus, pas uniquement Lyme et… depuis quelques mois uniquement pour la “bobologie” courante, puisqu’il ne gère et ne comprend rien d’autre – et j’ai vu une fois un remplaçant pathétique de nullité. Je ne compte pas le suivi psy (thérapeute et psychiatre) que j’avais déjà avant Lyme et qui m’est bien utile, voire nécessaire.
  • Au rayon des spécialistes j’ai vu 3 fois un interniste (Dr House…), 1 fois un endocrinologue, 1 gynécologue, bientôt 1 cardiologue et 1 dermatologue du département voisin (vu qu’il n’y a plus de dermatologue en Creuse. Plus du tout.), 1 nutritionniste. Et pour couronner le tout je vais subir une opération début mai.

Je contribue ainsi au trou de la Sécu, merdalors! Quand il serait si simple et plus constructif de voir un vrai “médecin de Lyme”, qui ne se grattera pas la tête devant mes symptômes bizarres et mes éruptions cutanées inconnues au bataillon, qui ne haussera pas les épaules en disant “je-sais-pas”, qui ne me cherchera pas en loucedé les points de fibromyalgie, qui ne niera pas la gravité des maladies vectorielles à tique et qui ne bottera pas en touche devant mes symptômes migrants et mes questions-pièges! Un médecin qui ne gardera pas le silence comme si je parlais dans le vide, à détourner des yeux, dès que j’ai le malheur de mentionner “Lyme”…

Je suis malade de Lyme depuis un an; je cohabite avec diverses bactéries, parasites, virus, transmis par une morsure de tique. Je suis diagnostiquée depuis un an. Mais laissée pour compte par le système de soin français, négligée par la médecine officielle, rejetée comme une patate chaude de spécialiste en spécialiste. Je suis atteinte d’une maladie qui dérange. Mais j’ai bien l’intention de me soigner, et de ne jamais me taire.

(12/04/2016)

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